L'humanité contemporaine cherche à résoudre de graves questions. Mais quelle est la question la plus importante, quel est le problème le plus urgent qu'il s'agit d'éclaircir ? On n'est pas encore parvenu à se mettre d'accord là-dessus. Pour le moment, on s'occupe de la question économique, de la question du pain, trouvant que c'est le point le plus important. Et l'on a raison; mais cette question de l'alimentation sur laquelle on travaille depuis des milliers d'années, a-t-elle pu être pleinement résolue jusqu'à présent ? Elle ne l'a été que pour un certain temps et seulement en partie; de fait, les mêmes difficultés continuent à exister et l'on n'arrive pas à s'en rendre maître.
Il y en a qui considèrent que c'est la question de l'instruction qu'il faudrait régler tout d'abord. On s'instruit en effet, on cherche à s'éclairer depuis des milliers d'années; mais a-t-on lieu d'être satisfait du résultat obtenu ? D'autres enfin s'arrêtent à la solution d'un troisième problème et déclarent que chaque Etat doit être fort, puissant et posséder une armée capable de tenir tête aux ennemis. Mais quel est l'Etat qui, grâce à sa force, ait pu résoudre le problème de son existence et se soutenir au moins deux ou trois mille ans ? Tous les Etats connus jusqu'à
ce moment se sont élevés à une certaine hauteur et puis ont disparu. Il y a par conséquent dans le monde une question encore plus importante, une question fondamentale qui n'a pas été résolue jusqu'à aujourd'hui, et c'est de là que vient le malaise croissant de l'humanité. Cette question n'est ni nationale, ni sociale; elle n'est pas non plus une question spécialement destinée aux savants. Les peuples ont de quoi s'occuper et les savants ont également leurs questions. La grande question, la question qui prime tout le reste et qu'il faut à tout prix résoudre est la question de "l'esprit humain" – c'est-à-dire ce quelque chose de divin qu'il suffit de laisser agir librement pour que l'individu paraisse dans toute sa grandeur, dans sa vraie majesté "d'homme" -et qu'il ne faut donc pas confondre avec l'intellect, avec l'intelligence humaine, car "l'homme" est quelque chose de plus que l'intellect humain. L'intellect humain n'est qu'un serviteur de l'esprit, comme le cœur et la volonté ne sont aussi que ses serviteurs. De par son origine, de par sa nature "l'homme" est infiniment élevé. Si vous compreniez "l'homme", si vous pouviez croire en lui, mais non pas, bien entendu, en ce qui se manifeste ordinairement à l'extérieur, vous resteriez ébloui devant sa grandeur. Il va sans dire que vous ne verrez pas " l'homme " dans le commerçant qui vous débite de la toile et vous trompe; ni dans le maître qui rabaisse le niveau moral des élèves qu'il est chargé d'instruire; ni dans le père dont l'unique souci est d'exploiter son fils; et vous ne reconnaîtrez pas " la mère " dans la femme qui se fait avorter et jette loin d'elle l'enfant qu'elle a porté 5 ou 6 mois. Vous ne reconnaîtrez pas "l'homme" non plus dans le législateur qui dote son pays de lois absurdes. Alors, comment définir "l'homme" ? On dit que "l'homme" est un être qui pense. Oui; mais il est en même temps quelque chose de plus que ce qui pense; car il y a en lui quelque chose qui crée, et nous ajouterons : ce qui est vraiment grand dans le monde ne peut pas être pleinement défini.
La chose la plus importante dont s'occupent les savants est la question de la vie consciente supérieure. Vous direz que cette vie est due au concours de la lumière, de la chaleur, de la nourriture, du vêtement, etc. La vie qui est née avec l'aide de la chaleur n'est pas la "Vie" : c'est une certaine énergie ayant besoin de renfort. La vraie Vie donne par elle-même naissance à toutes ces choses. Lorsque nous recevons la "Vie", elle porte en elle-même et nous donne par conséquent, en même temps, la lumière, la chaleur, la nourriture et le vêtement. La "Vie" est quelque chose de puissant lorsqu'on la comprend. Vous demandez : " Et les savants, comment comprennent-ils la Vie ? " Que les savants veuillent bien m'excuser; mais ils me permettront de leur dire qu'ils n'ont pas encore compris les premiers principes de la "Vie". Quel serait leur embarras si je les priais, par exemple, de ressusciter un mort ! Et peuvent-ils toujours guérir leurs malades ? De nos jours, les malades meurent avec ou sans l'aide des médecins. Alors, à quoi servent les médecins ? Et les maîtres qui nous instruisent, nous empêchent-ils de mourir ? On meurt avec eux et sans eux; on est malhonnête et l'on vole avec eux et sans eux; on médit, on calomnie avec eux et sans eux.
Les prêtres et les hommes d'Etat ont-ils pu arrêter les hommes sur la pente du crime ? Alors où est le mérite de l'humanité ? On dira qu'il faut des lois et de l'ordre dans le monde. Mais en quoi cela consiste-t-il au juste ? Une bande de brigands n'a-t-elle pas son règlement ? Chez les fourmis, chez les abeilles, on remarque aussi un certain ordre, une règle même très stricte. Vous ne pouvez pas vous tenir longtemps dans le voisinage d'une ruche : les abeilles ont leurs lois; elles ont aussi leurs armes à tir rapide et s'en servent. Mais revenons à la sérieuse question de la " Vie " qu'il est si important pour nous de résoudre. On dit généralement : " On meurt et tout est fini ". – J'en conviens : on meurt; mais s'est-on demandé ce que c'est que la mort ? La mort prouve tout justement qu'on n'a pas résolu le vrai problème de la " Vie ", qu'on n'a pas encore trouvé la " Vie ". Arrêtons-nous au verset : " Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces, de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même. " Pourquoi ? Parce que la source de cette vraie Vie est l'Amour. Mais qu'est-ce que l'Amour ? L'Amour est la source de cette " Vie " qui contient en elle-même la lumière, la chaleur, la nourriture, le vêtement et la force, qui contient absolument tout en soi : la " Vie " est la chose la plus précieuse qui se soit manifestée. Dans les Saintes Ecritures, il est dit de ceux qui ont expérimenté l'auguste réalité du commandement suprême : " Et c'est ici la Vie éternelle : qu'ils te connaissent toi qui est le seul vrai Dieu ". Par le mot Dieu, nous n'entendons pas un être à part, en dehors de nous, devant lequel les hommes se prosternent; nous entendons la source même de la Vie qui peut se manifester en nous, nous entendons l'Infini. Ce qui prouve que l'Infini peut se manifester dans le fini. Par conséquent, nous, les habitants de ce monde, en tant que manifestation de cet Infini, nous résolvons ce grand problème – que la Vie éternelle et illimitée peut se manifester à l'intérieur de ce qui est limité. Pour que cette Vie puisse se manifester, il faut absolument que nous possédions le vrai Savoir, l'Amour et la Sagesse qui feront naître des rapports harmonieux entre tous les hommes.
Chacun doit savoir pourquoi il est venu au monde. Cependant si l'on vous demande pourquoi vous êtes venu sur la terre, vous hausserez les épaules en disant : " Cela n'est pas important ! " Voilà qui est étrange ! Mais si vous demandez à un petit enfant de la première classe de l'école primaire pourquoi il va à l'école, il vous répondra : " Pour apprendre "; et tout de suite, il vous sortira son alphabet. Cet enfant pourra vous dire également qui est son maître, qui sont ses parents. Il sait tout ce qu'il doit savoir à son âge. Tandis que des hommes à qui l'on demanderait d'où ils sont venus, ce qu'ils doivent apprendre ici-bas et où ils iront après avoir terminé leur vie terrestre, ne sauront que dire, ou bien ils répondront d'une manière évasive : " Eh ! nous irons dans l'autre monde. " Et voilà la situation où se trouvent non seulement la plupart des gens ordinaires, mais aussi les philosophes. Depuis des milliers d'années, ces derniers discutent sans avoir pu aboutir à une conclusion, et ils en sont encore à se demander s'il y a un Dieu ou s'il n'y a pas de Dieu, s'il y a une âme ou s'il n'y a pas d'âme. Ils tranchent la question dans l'un ou l'autre sens. On résout cependant, en général, très facilement toutes les questions. Les ivrognes, par exemple, quand ils ont bien bu, commencent à se disputer : ils se battent entre eux et la question est résolue. Oui, mais le lendemain, le surlendemain, ils recommencent. La question n'a donc été résolue que provisoirement, pour un soir, et non pour toujours. Il en est de même quand nous disons d'un homme qui vient de mourir : " II est mort; tout est fini ! " Oui, pour un certain temps, pas pour toujours. Rien ne se perd dans la nature. Vous demandez : " Mais cet homme, où est-il allé ? " Et moi je demande : " D'où est-il venu ? " C'est là qu'il s'en est retourné. Car c'est la loi : les choses retournent à l'endroit d'où elles sont venues; toutes les choses, quelles qu'elles soient, retournent à Dieu. Et ce commencement, qui est la Raison même, qui est sans fin, sans limite, nous l'appelons la Loi de l'Amour.
Qu'est-ce que la vie ? Tout le monde conviendra que c'est une question qui suscite d'interminables discussions, sans fondement, à vrai dire; car si l'on considère que la vie est rationnelle, que ses attributs sont la lumière, la chaleur, etc.; que tous la conçoivent d'une manière analogue, et que tous la désirent, qu'y a-t-il à discuter ? Tout le monde reconnaît aussi l'amour et tout le monde le désire, mais quand ? Pendant la jeunesse; dès qu'on vieillit, on le nie. Dans l'amour, il y a cette qualité qui fait que lorsque vous aimez une chose, une personne, elle acquiert immédiatement de la valeur à vos yeux. Pourquoi ? Parce que vous ne pouvez aimer que ce qui porte la vie en soi. Tout ce qui contient la vie en soi acquiert de la valeur, et cet objet de votre amour, vous le tenez en haute estime, vous l'entourez de toutes sortes de soins. Vous écrivez des lettres très affectueuses à l'ami que vous aimez; vous lui racontez les choses les plus agréables; mais du moment que vous cessez de l'aimer, vous l'oubliez. Qu'est-ce donc que l'amour ? C'est une force qui grandit l'homme, qui lui donne de l'élan, de l'énergie, de hautes aspirations. On dit parfois que l'homme perd toute envie d'apprendre dès qu'il devient amoureux. Ce n'est pas exact. Tout au contraire, l'amour fait naître le désir de savoir, d'avancer. Celui dont le cœur est enflammé, étudie, travaille. On dit encore que l'amour rend les gens distraits. Ce qui rend les gens distraits n'est pas l'amour.
Lorsqu'un loup veut dévorer une brebis, ou lorsque quelqu'un devient amoureux de l'argent de son voisin et cherche à le lui voler, ou lorsqu'un paysan couvre d'un œil tendre le champ d'un autre et songe au moyen de le lui prendre, il ne s'agit pas d'amour. Dans l'Amour, l'homme ne reconnaît pas seulement la valeur des choses, mais par le fait même qu'il aime, son cœur s'agrandit, il devient généreux : sa bourse est constamment ouverte; il ressemble à une source dont l'eau ne cesse de couler, sans qu'il lui vienne jamais à l'idée de tenir le compte de cette eau qui s'écoule, comme le fait le propriétaire d'un baril de vin, qui sait très exactement combien de litres il a soutirés et combien il en reste encore dans son tonneau. Par conséquent, si vous êtes cette source vivante, si vous pouvez voir le bien en tout et partout, si en considérant le ciel, vous pouvez pénétrer le sens des admirables choses qui s'y trouvent écrites, votre âme peut tressaillir d'une sainte allégresse, car vous êtes au seuil de cette auguste Vie divine, et l'Amour est entré en vous.
Je vous parle d'une haute science dont la base est en vous-mêmes. La Vie vous a donné des expériences; que vous en conveniez ou non, il n'importe. Vous êtes venus bien des fois sur cette terre sous différentes formes. Que vous vous en souveniez ou non, que vous l'admettiez ou non, peu importe; mais le fait est relaté dans les Annales de la Nature, et voilà ce qui est important. Vous pouvez m'objecter : "je ne m'en souviens pa? * Celui qui a bu, se souvient-il de quelque chose ? Mais le patron du café se rappelle; il a tout inscrit dans son livre : à une telle date, vous avez bu, en compagnie de telle personne, une telle quantité de vin ou d'eau-de-vie. Vous déclarez ne vous souvenir de rien. Il vous cite en justice, et le juge, malgré toutes vos protestations, vous condamne à payer votre dette. La Nature a de même son grand livre où tout est incrit. Mais vous ne voulez rien reconnaître, vous ne vous rappelez pas. Pourquoi ? Parce que vous avez à payer à l'aubergiste. Ceux qui se rappellent sont les créanciers qui ont à recevoir; ceux qui ne se rappellent pas et ne veulent rien reconnaître sont les débiteurs qu'on oblige à payer.
L'homme est un être qui est maintes fois venu de Dieu et s'en est retourné vers Lui. C'est écrit. Ce que vous croyez, quelles sont vos convictions, c'est une question personnelle, car chaque créature croit à quelque chose. Ce n'est pas ce qui nous intéresse, car vous n'arrivez pas à la vraie solution des problèmes de la Nature en croyant, mais uniquement par la connaissance des lois de la Vie. D'autres questions comme celle de savoir qui sera le nouveau ministre président, ou quel est l'homme le plus riche de la terre, ou qui est le plus grand savant du monde, ne nous occupent pas; les enfants peuvent y répondre. Nous résolvons une question capitale – la Vie – les principes de la Vie – les lois fondamentales de la Vie. Et nous vous disons : " Voulez-vous vivre, voulez-vous que votre vie ait un sens, voulez-vous améliorer votre sort ? – Recevez, gardez en vous l'Amour ". " Quel amour ? " demandez-vous. L'amour des jeunes ? Non. L'amour des vieux ? Non plus. Car les uns et les autres sont infidèles. Les jeunes trahissent la foi jurée et épousent ensuite d'autres femmes; les vieux ne tiennent pas leur parole et s'en vont, ils meurent sans payer leurs dettes. Et l'on dit : " Que Dieu leur pardonne, ils étaient vieux. " L'homme qui promet quelque chose ne doit pas mourir. Il faut tout d'abord qu'il tienne sa parole, ensuite il peut mourir. Mais s'il promet et meurt avant d'avoir tenu sa promesse, c'est qu'il avait quelque but inavouable. Vous l'excuserez peut-être; nous ne l'excusons pas. Dans la loi de l'Amour, toute noble pensée, tout noble sentiment, tout noble désir doit être réalisé sans qu'on fasse de différence si c'est à l'égard de la mère, du père, des enfants ou de quelque autre créature : la loi est une, elle est égale et la même pour tous. Nous devons prouver au monde que nous portons en nous l'auguste Vie de Dieu, qu'il vit en nous, et nous devons vivre comme Lui. Pourquoi les hommes nient-ils Dieu ? Parce qu'ils lui doivent, ils sont ses débiteurs. Pourquoi d'autres l'admettent-ils et croient-ils en Lui ? Parce qu'ils cherchent à faire un emprunt. Les uns et les autres sont des gens intéressés, Mais l'idée que nous nous faisons de Dieu est toute différente. Nous voulons servir Dieu parce que nous croyons que tout ce que nous avons, tout ce que nous sommes, nous l'avons reçu de Lui. Nous ne nous adressons pas à Dieu pour Lui demander de l'argent; nous ne voulons pas non plus nous dégager de nos obligations; mais nous savons qu'il y a au monde une haute Sagesse qui nous attend dans l'avenir, dont nous pourrons donc devenir les dépositaires, et que nous pourrons nous approprier un jour.
Les hommes de science, que savent-ils pour le moment ? Ils savent beaucoup de choses; cependant, ce qu'ils savent et ce que savent les plus grands philosophes, dans 2 000 ans les enfants le sauront aussi; ils sauront même davantage. Alors où en est notre science ? Ce n'est pas un reproche que je veux faire; je veux seulement attirer votre attention sur le fait que " l'homme " ne s'est pas encore révélé. Si je frappe à votre porte et qu'au même instant votre cœur se serre de mécontentement, vous êtes-vous montré " homme " ? Vous sortez pour me demander ce que je désire, et après avoir saisi que je vous prie de me loger pour une nuit, vous vous excusez en prétendant que vous n'avez pas de place, que votre femme, vos enfants ne sont pas à la maison, et vous me recommandez enfin l'hôtel le plus proche en m'assurant que j'y trouverais une bonne chambre. Mais si je vous fais entendre que je vous apporte 100 000 francs.
En belles pièces sonnantes, vous me ferez immédiatement entrer; votre femme, vos enfants, qui se trouveront là comme par enchantement, prendront à l'instant des mesures pour réinstaller au mieux; à la cuisine, tout un agneau sera mis à la broche; ce sont des attentions à n'en pas finir. Oui ! mais quelle est la cause de ces subites amabilités ? Les 100 000 francs qui se trouvent dans ma poche, Dans ce cas, pouvez-vous prétendre avoir été noble, avoir été " homme " ? Vous me regardez étonnés et vous vous demandez : " Cet homme parle-t-il sérieusement ! Dit-il la vérité ou non ? " Et moi, je vous demande à vous tous qui êtes réunis ici et qui prétendez être nobles : " Agissez-vous selon la volonté de Dieu ? " Voilà ce qu'il faut examiner. Y avez-vous songé ? Et quand tous, dans les villes et dans les villages vivront ainsi que Dieu le veut, il n'y aura plus d'échafauds, il n'y aura plus de prisons. Les portes de toutes les demeures resteront ouvertes, et si quelqu'un vous rencontre, il vous dira : " Que je suis heureux de vous voir; venez donc chez moi; je vous attends depuis si longtemps. " Je vous entends dire : " Fort bien ! mais où cela nous mènera-t-il ? On ne pourra plus se débarrasser des visiteurs ! " Tranquillisez-vous. Si je viens chez vous, ce ne sera jamais avec de mauvaises intentions, je vous laisserai, au contraire, toutes mes bénédictions.
Un prophète juif, l'un des grands adeptes de l'Antiquité, vivait quelque part en Palestine. Il avait entrepris un long voyage. Un soir, cherchant un abri pour la nuit, il s'arrêta devant la maisonnette d'un pauvre : " Homme de Dieu, lui dit-il, voudrais-tu me permettre de passer la nuit chez toi ? " – Avec le plus grand plaisir, lui répondit le pauvre homme; toute ma maison, tout ce que j'ai est à ta disposition; mais je n'ai, hélas, pas une miette de pain à t'offrir. – " Cherche bien dans tous les coins; il est peut-être tout de même resté une petite croûte quelque part ? " Et en effet, on finit par découvrir un tout petit morceau de pain très sec. Le prophète le prit, le bénit et, à l'instant, un grand pain parut sur la table : " Réveille maintenant tes enfants; qu'ils viennent aussi manger. " Donc l'homme qui vit selon Dieu laisse sa bénédiction dans toute demeure qu'il visite. Vous pouvez ne pas être d'accord avec moi sur ce point; c'est cependant l'exacte vérité. Si cet adepte venait dans le monde et qu'il vous apportât un grain de blé en disant : " Prenez ce grain de blé ", la question économique du pain serait résolue. En combien d'années ? – En 12 années. Vous ne mangeriez pas le grain; vous le déposeriez dans une bonne terre et après 12 années, il donnerait du fruit en telle abondance que vous auriez de quoi manger, vous et tous vos parents et amis. Et savez-vous combien pèserait ce grain de blé ? Autant que toute la terre. Par conséquent, la moindre parcelle de vie renferme en soi une énorme énergie; et cette énergie, cette force, nous pouvons l'augmenter, la développer si nous vivons selon la loi de l'Amour.
Les gens d'aujourd'hui, qui ne comprennent pas la Vie, disent : " Tout cela est bel et bien; mais à nous, il nous faut de l'argent. " Et en fait, il y a plus d'argent; mais la quantité de nourriture de chacun a diminué; et cette avidité n'a donné pour résultat que des organismes délabrés. Nous avons tout en abondance maintenant, mais nous ne pouvons pas manger.
Un des plus grands milliardaires d'Amérique qui possède de vastes propriétés, des forêts, des biens de toutes sortes, d'immenses richesses enfin, souffre de l'estomac. Il ne peut presque rien manger et les médecins lui prescrivent de se nourrir exclusivement de soupe d'avoine. Le malheureux se lamente en disant que malgré ses millions, il se voit contraint de se nourrir uniquement d'avoine, comme un cheval, à cause de l'état lamentable de son estomac. Vous chercherez à le justifier en nous assurant que les conditions dans lesquelles il se trouvait ont amené ce résultat. Mais les conditions sont strictement déterminées par nos pensées, par nos sentiments et par nos actes, qu'ils soient bons ou mauvais. Et maintenant, quel sens la vie peut-elle avoir pour ce riche, et lui est-il possible de vraiment jouir de la fortune qu'il a amassée ? Vous me direz qu'il faut cependant chercher à acquérir des richesses. Certainement. C'est justement cette recherche de la richesse qui donne un sens à la vie. Malheureusement nous faisons fausse route car nous ne désirons que l'argent et nous ne cherchons pas l'unique richesse nécessaire : nous ne cherchons pas l'Amour.
Comprenez donc enfin que l'Amour est tout. Oui, l'Amour, voilà la grande, la vraie Vie, voilà le sens de la vie, voilà le trésor de l'âme humaine. Quand nous aurons trouvé Dieu, ou en d'autres termes, quand Dieu habitera en nous, alors se formera ce lien réel qui donnera de l'impulsion à la vie. Et les gens ne demanderont plus : " Y a-t-il un Dieu ? N'y a-t-il pas de Dieu ?" A celui qui me posera cette question, je dirai : " Venez demain soir chez moi. " Et je le recevrai de mon mieux, je l'inviterai à souper et nous nous séparerons après un entretien des plus agréables. Avant de me quitter, il dira : " Mais vous ne m'avez rien dit de Dieu. " Je lui répondrai simplement : " Revenez demain soir. " Et de nouveau je le recevrai à cœur ouvert, je le servirai et nous causerons de la façon la plus amicale, sans nous arrêter à la question de Dieu. Qu'ils sont étranges ceux qui me demandent s'il y a un Dieu ou s'il n'y a pas de Dieu ! Mais c'est la plus grave de toutes les questions. Et si vous me posez cette autre question : " Qu'est-ce que l'Amour ? " Je vous répondrai de même : " Venez demain chez moi. " Je n'essaierai pas non plus d'éclaircir ce point : si je suis vraiment l'homme de la Charité, si je vis selon la loi de Dieu, vous le sentirez et vous me connaîtrez. Si rien ne peut me faire changer d'opinion à votre égard, ma porte sera toujours ouverte pour vous et je vous dirai : " Mettez-moi à l'épreuve. " Ce qui est important, ce n'est pas ce que je pense; c'est la manière dont je vis. Pour qu'une question puisse être résolue, il faut que ces trois facteurs principaux : vos pensées, vos sentiments et vos actes se fondent en un tout harmonieux; et vous devez être conséquents avec vous-même dans tous les moments de votre vie. Vous voulez savoir si Dieu existe. Voici comment je pourrais vous amener à trouver la réponse. Vous êtes dans la gêne et vous venez me prier de vous prêter mille francs. Je vous les donne à l'instant avec le plus sincère empressement. Après quelque temps, vous voulez faire un second emprunt de deux mille francs, et vous pouvez de nouveau constater que c'est réellement une joie pour moi de vous rendre service; vous avez alors l'impression de vous trouver devant une fontaine où il ne dépend que de vous de venir remplir aussi souvent que vous le voudrez vos cruches et vos seaux, mais à condition de les porter vous-même. Ce sera l'abondance, cette abondance que les hommes réclament, mais qui sera telle qu'elle finira par leur être une charge, et ils désireront en êtreoulagés.
Le Christ a dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces, de toute ta pensée et ton prochain comme toi-même. Ce qui veut dire que l'homme tout entier doit être rempli de l'amour de Dieu. Il y en a qui trouvent qu'un vrai travail devient impossible dès que l'on aime. Non ! c'est alors justement que commencera le véritable travail dans le monde. Jusqu'à présent les hommes n'ont fait que peiner, ils n'ont pas travaillé. Le travail sera la haute tâche de l'humanité de l'avenir, de ces grandes âmes en présence desquelles on ne se demandera plus s'il y a une vie de l'au-delà. Ce seront les âmes qui résoudront la question de la Vie. Lorsque vous demanderez à l'un de ces hommes s'il vous connaît, il n'hésitera pas un moment et vous dira : " Venez chez moi demain. " Et si vous voulez savoir d'où il vient, lui, il dira de nouveau : " Venez chez moi demain soir. " Et vous irez chez lui, vous souperez ensemble, vous vous entretiendrez longuement tous deux et au moment de vous séparer, il vous dira : " Si vous avez jamais besoin d'un ami, venez chez moi. " C'est ainsi qu'il faut vivre. Chacun doit déposer ce qu'il possède sur l'autel commun du sacrifice. Actuellement l'on a une fausse idée du sacrifice : on s'imagine que ce que l'on sacrifie est perdu. Rappelez-vous le sacrifice du grain de blé. Si ce grain de blé ne se sacrifie pas, s'il ne meurt pas dans la terre où il est enfoui, quelle sera la situation de l'agriculteur ? Celui qui meurt met sa force en gage et cette force augmente. C'est l'une des qualités du sacrifice. L'on prétend parfois qu'il ne faut pas faire de sacrifice, qu'il ne faut rien donner à personne. Autant voudrait-on dire qu'il ne faut ni labourer, ni semer. Non ! nous devons labourer, nous devons semer, mais de façon raisonnable. Par conséquent il nous faut une base solide dans notre vie. Le fait d'appartenir à telle nation, ou d'être instruit, bien élevé, ou d'envisager la vie d'une certaine façon, tout cela ne constitue pas une base. La vraie base est l'Amour, et c'est cela la Vie. Nous avons cette Vie en nous, mais nous ne l'avons pas encore manifestée.
Je considère les théories actuelles de la vie comme des mares formées par la pluie et pleines de grenouilles; faute de mieux, les gens vont y boire. D'après moi, les grenouilles représentent le matérialisme extrême qui règne dans le monde et qui pousse les hommes à vouloir s'entourer toujours de plus de luxe. Savez-vous de quelle manière on comprend le matérialisme ? Je vais vous l'expliquer par un exemple. Au temps de la 10e dynastie, en Egypte, sous le règne du Pharaon Zénobie, tous les criminels étaient punis de la peine de mort en vertu de la loi qui venait d'être promulguée. Deux Egyptiens dont le crime était d'avoir outragé Apis, furent condamnés à la peine capitale. Le Pharaon commua cette peine en celle de la prison à perpétuité; mais le tribunal en décida autrement et voici la sentence qu'il rendit : l'un des coupables porterait sur le dos un sac de 100 kilos de blé; l'autre porterait un pou sur la tête. Et tous deux voyageraient et continueraient à subir la peine de leur faute jusqu'à ce que quelqu'un vînt de bon gré les soulager en se chargeant de leur fardeau. Le tribunal leur laissa le choix du châtiment. Le premier, le plus rusé, se dit en lui-même qu'il ne ferait certainement pas la folie de demander le sac. Etait-il possible de porter pareil poids ? Et il choisit le pou. Au second il ne restait donc qu'à se charger du sac de blé. Conformément à l'arrêt de la justice, les coupables étaient tenus de marcher du matin au soir et ils n'avaient le droit de s'arrêter que dans le cas où quelque personne les prierait de leur céder un peu de ce qu'ils portaient. Ils se mirent donc en route. Celui qui avait le pou sur la tête demanda à son camarade : " Eh, l'ami, comment te sens-tu sous ton sac ? " Le pou ne pesait pas lourd naturellement. Celui qui portait le blé et ployait sous le faix s'adressait souvent à Dieu en disant : " Mon Dieu, je t'en prie, allège un peu mon fardeau. " Et voilà qu'après quelque temps un voyageur les arrête : " Que portes-tu dans ton sac ? – Du blé. – Peux-tu m'en donner un peu ? – Certainement. " II mit son sac à terre, en sortit la quantité désirée et, après ce court repos, il reprit son chemin. " Et toi, que portes-tu ? demanda-t-il à l'autre. – Des poux. – Oh ! tu peux les garder pour toi "; et il passa outre. Mais le mal est que les poux commencèrent à se multiplier et dans l'espace d'une année, le nombre des parasites s'éleva à plusieurs centaines. Le sac de blé, au contraire, dans le même laps de temps, avait diminué de moitié; car, lorsque les condamnés passaient par les villages, les paysans, désirant les soulager, s'arrêtaient parfois devant celui qui portait le blé pour lui en demander un peu, et ainsi, au bout de 3 ans, il ne lui en resta plus qu'un seul grain. Mais l'autre criminel, l'homme aux poux, ne trouvait d'accueil nulle part. On fuyait à son approche, et le malheureux qui s'imaginait d'abord avoir été très sage, se trouvait dans une situation intolérable, sans issue.
Nous, les gens d'aujourd'hui, nous agissons exactement de la même manière. Le matérialisme, c'est le pou. Et ce pou sucera tous les sucs de la vie de l'homme. Dès que le matérialisme prend possession de nous, si nous perdons les meilleures de nos idées, nos pensées, nos sentiments les plus purs, si nous perdons ce qui est divin en nous, quel est alors le but, la raison d'être de notre vie en ce monde ? Le Christ a dit : " Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces, de toute ta pensée et ton prochain comme toi-même. " Dans la religion actuelle, on a mal interprété ce saint enseignement et l'on dit plutôt : " Croyez en Dieu. " Oui ! Lorsqu'il s'agit de servir Dieu, ce qui n'est pas possible sans croire en Lui, ces paroles sont justes; mais lorsqu'il s'agit de résoudre la plus importante des questions, il nous faut quelque chose de plus, et c'est pour ce cas que le Christ nous a dit : " Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. " II arrive qu'on me demande : " Ne croyez-vous pas en Dieu ? " Je leur réponds :
" Montrez-moi d'abord le Dieu en qui vous croyez. Montrez-moi le chemin que vous suivez. " Ils m'assurent alors qu'ils croient au Dieu en qui ont cru leurs parents, leurs grands-parents, leurs aïeux. Fort bien ! Mais vos parents, vous aïeux ont-ils accompli la loi du Dieu en qui ils croyaient ? Jouissaient-ils d'une parfaite santé ? Etaient-ils heureux ? Ouvrez vos livres et laissez voir ce que vous avez fait pour ce Dieu en qui vous croyez.
A propos de ces livres, voici un cas très intéressant dont le héros est un riche commerçant bulgare. Il était tombé très gravement malade et pendant qu'on le croyait couché dans son lit, sans connaissance, il était allé faire un tour dans l'autre monde. Quand il revint à lui, il n'eut rien de plus pressé que de faire venir ses fils et exigea qu'on lui apportât ses deux livres de comptes. Il les brûla, partagea entre ses enfants ce qu'il possédait et leur dit : " Prenez ce qui vous appartient afin que vous ne me traîniez pas devant les tribunaux après ma mort. J'ai été dans l'autre monde : j'ai compris ce qui est l'essentiel pour nous et j'ai décidé de vivre selon Dieu, pour Dieu. "
Où sont vos livres à vous tous ? Vous me raconterez que vous n'en avez pas. Mille pardons ! je vais les ouvrir et écoutez ce que vous y avez inscrit. A la première page : mon voisin a dit du mal de moi; et plus bas : un tel m'a offensé, etc. Quelle différence y a-t-il alors entre vous et le commerçant qui tient ses livres pour ne pas oublier ce qu'il a à toucher de ses clients ? Et le prêtre ? il tient aussi ses comptes. Vous lirez quelque part dans son carnet : un tel ne croit pas en Dieu ! Mais quand on l'appellera lui-même pour un enterrement, pour un mariage, ou si on l'invite à prêcher, il fixera tout d'abord la somme qu'on doit lui payer, et si l'on se trouve dans l'impossibilité de le satisfaire, la dette figurera sans nul doute dans son livre. Soyons donc conséquents dans cette Vie élevée, dans ce saint Amour qui résout toutes les questions fondamentales et qui pose comme base de la vie la fraternité, pas une fraternité de deux jours, mais une fraternité capable de résister à toutes les vicissitudes, à toutes les épreuves.
Un prêtre me déclara un jour qu'il nourrissait certains doutes à propos de mon enseignement. " Vous êtes on droit de l'entendre comme vous le voulez, lui dis-je; mais c'est aussi mon droit, à moi, ou plutôt, c'est mon devoir le plus sacré de dire toujours la vérité, – qu'elle plaise ou non, qu'on l'admette ou non -, et c'est seulement lorsque nous laissons Dieu se manifester par nous dans la vie que nous sommes dans la Vérité; et seule la Vérité rend l'homme libre, et cette liberté fait son bonheur, et le bonheur n'est à son tour que la véritable expression de la vertu. Et voici, continuai-je, une règle que je vous conseille de suivre; lorsque vous exercez votre ministère à l'enterrement d'un homme, au lieu de vous faire payer ensuite par la femme, vous offrirez au contraire à celle-ci ce qui lui est nécessaire pour faire face aux premières difficultés dans ces moments toujours si durs pour les pauvres veuves. Au tribunal, non seulement vous ne ferez pas prêter serment, mais vous vous efforcerez de rétablir la paix, la bonne entente entre les parties adverses. Voilà que vous vous effrayez en songeant aux suites d'une telle manière de faire. Tranquillisez-vous. Pénétrez-vous seulement bien de cette idée que Dieu ne vous a pas envoyé sur la terre pour juger ou pour dépouiller les pauvres veuves, mais pour faire sa volonté. Sachez que l'exploitation et le mensonge doivent disparaître du monde; et toute personne revêtue d'un certain pouvoir, exerçant une certaine fonction doit agir d'après cette sainte volonté de Dieu, être en harmonie avec elle. "
On s'appuie sur le verset de l'Ecriture qui dit que tout pouvoir vient de Dieu. Quelque chose a été omis dans ce verset; rétablissez le mot et vous aurez : tout pouvoir juste vient de Dieu. En Russie, les Bolcheviks détiennent aussi le pouvoir. Vous pourrez m'objecter que ce pouvoir ne vient pas de Dieu tandis que le vôtre est d'origine divine. Non ! La loi dit : tout pouvoir juste vient de Dieu; et tout pouvoir juste se guide d'après la loi de l'Amour. Il n'est pas absolument indispensable que le juge condamne le criminel. En Turquie, il existait une très bonne loi. Lorsque l'accusé était traduit devant le juge, celui-ci lui demandait : " Reconnais-tu être le débiteur de cet homme ? – Oui. – Paye-lui donc ce que tu lui dois. " C'était une excellente manière de régler les choses. A présent, on ajourne le procès; il se passe un an, deux ans, trois ans, et l'on finit par se demander où est la justice. Il n'y a pas de justice : on ne fait que laisser passer le temps; mais nous sommes venus sur la terre pour résoudre une des plus graves questions.
Vous m'écoutez et vous me dites : " Tout cela est bien difficile ! " – C'est difficile parce que vos livres de comptes sont lourds. Il faut les brûler. – Bah ! histoires que tout cela ! ce ne sont que de pures inventions ! – Des inventions ! mais demain quand on vous enfermera dans la tombe où vous pourrirez, où vous serez rongés de vers et où Dieu vous demandera ce que vous avez fait de vos livres, vous ne trouverez plus que ce sont des inventions et vous demanderez comme une grâce qu'on vous laisse sortir pour faire disparaître au plus vite ces livres. – Impossible ! vous dira-t-on. D'autres les brûleront. Réglez donc vos comptes pendant qu'il en est temps. Vous tous, pères, mères, enfants, vous marchez sur des charbons ardents. Pourquoi; Parce que vous avez bien des comptes à régler.
Dieu a aussi ses deux livres; l'un est le livre de la vie; l'autre, le livre du bien et du mal. Dieu a le droit d'avoir ces livres où absolument tout est inscrit. Il a les meilleures intentions à notre égard. Les épreuves que nous subissons, l'expérience que nous acquérons au prix de tant de souffrances, ce qu'on appelle la destinée, le jugement de Dieu, tout prouve qu'il veut nous instruire et nous amener à faire sa volonté. Et quelque coupable que soit un homme, du moment qu'il se décide à vivre pour Dieu, toutes ses fautes lui sont pardonnées, toutes ses dettes lui sont remises, II n'en est plus fait mention; car Dieu est plein de miséricorde et II est infiniment riche, II peut payer pour tous. Mais pour celui qui refuse d'obéir à ses lois, il y a un livre : le livre de vie, qui s'ouvre alors, et Dieu y inscrit très exactement jusqu'à la moindre de ses dettes.
De nos jours, qui n'est pas malheureux ? Tous sont malheureux, les individus et les peuples. Pourquoi ?
Parce qu'ils ont ignoré et n'ont pas résolu la plus importante des questions. Et il faut que cette question vitale soit résolue par le clergé et par les hommes d'Etat; il faut qu'elle soit résolue par les mères et pères d'un côté et par tout le corps enseignant de l'autre, non seulement ici mais dans le monde entier, Ceux qui se marient doivent se demander avant tout pourquoi ils se marient. Le mariage, tel qu'il existe aujourd'hui, n'est le plus souvent qu'une affaire. Aussi voyons-nous qu'après quatre ou cinq ans de vie commune le mari quitte sa femme pour en épouser une autre qu'il délaisse également au bout d'un certain temps, et lassé, aigri, vieilli avant l'âge, il s'écrie : " Quelles affreuses vipères que ces femmes ! " Bien ! Les femmes sont d'affreuses vipères, les maris sont des monstres hideux; mais si hommes et femmes sont mauvais, où est donc l'humanité ? Non ! ces assertions ne résolvent pas le problème. En disant : vipères, monstres, on veut fait entendre que les gens sont fins, pleins de ruse et d'habileté, mais qu'ils ne sont pas vertueux, que la bonté leur fait complètement défaut.
Et voilà qui est d'une importance capitale. Il faut que nous soyons bons. La bonté doit se trouver à la base de toutes nos relations. Vous me direz que c'est aussi une question bien épineuse. En effet ! c'est un problème difficile. N'est-il pas aussi parfois très difficile de comprendre certains morceaux de musique classique ? Et le pianiste, le ' virtuose, quelles difficultés n'a-t-il pas à vaincre, à quel travail acharné ne doit-il pas se soumettre pendant des années pour pouvoir arriver à rendre enfin fidèlement la pensée des grands maîtres ! Pouvons-nous alors nous imaginer qu'il nous sera possible, à nous, de résoudre, sans effort, la question autrement ardue de la Vie et de l'Amour ? Il faudra des efforts, de sincères efforts; mais ne vous découragez pas. C'est la plus intéressante, la plus attrayante de toutes les questions et votre travail sera un travail sublime. Car vous chercherez à comprendre Dieu; et alors votre cœur tressaillira d'une sainte joie; il s'emplira soudain d'une immense tendresse, et l'éblouissante lumière qui éclairera votre esprit vous fera voir dans le monde des choses que vous n'y aviez jamais vues. Mais vous vous inquiétez en pensant que vous ne pourrez pas vous assurer ici pain de chaque jour en vivant de la sorte. Vivez selon Dieu, vivez pour Dieu, et un soir vous recevrez la visite d'un grand Maître qui vous fera présent d'une petite baguette possédant des pouvoirs magiques. Si vous vous trouvez dans quelque situation pénible, si vous avez faim, par exemple, vous donnerez un petit coup de votre baguette et, à l'instant, une table richement servie se dressera devant vous. Vous vous y installerez et lorsque vous aurez bien satisfait votre appétit, vous frapperez de nouveau la table de votre baguette, en un clin d'œil tout disparaîtra et, reconnaissant, heureux, vous reprendrez votre route. Tout cela n'est-il pas bien simple ? Vous haussez les épaules : " Ce sont des contes ", dites-vous. Mais votre vie actuelle, n'est-elle pas un conte ? Elle est totalement dépourvue de réalité. Que vous croyiez ou non à l'autre monde, cela n'a pas d'importance; mais il est certain que lorsque vous y trouverez, vous sourirez de votre vie d'aujourd'hui.
Voici l'expérience dont quelqu'un me fit part il y a quelques années. Un Bulgare criblé de dettes et qui priait très souvent Dieu de l'aider à les payer, vit une fois en rêve qu'un homme lui apportait un sac plein d'or. Peu après, un de ses voisins entra brusquement dans la chambre et voulut s'emparer du sac en déclarant que cet or lui appartenait. Une querelle s'engagea qui dégénéra bientôt en coups. Pendant la lutte, notre homme poussa du pied une petite table placée tout près de son lit et sur laquelle se trouvait une carafe pleine d'eau. La carafe tomba à terre, se brisa et l'eau se répandit sur le plancher. A son réveil, il constata ce qui s'était passé et qu'il tenait, serré dans ses mains, le tapis de la petite table; mais du sac d'or, point de trace !
Il en sera de même pour vous après votre mort. Lorsque vous vous réveillerez dans l'autre monde et que vous regarderez autour de vous, vous comprendrez qu'il ne vous reste absolument rien des richesses qui faisaient votre bonheur et sans lesquelles il vous semblait impossible d'exister. Cette situation ridicule pourrait prêter à rire si elle ne nous prouvait en même temps la triste folie du genre humain qui, dans sa longue course à travers les âges, ne s'est pas arrêté un moment pour réfléchir à l'insanité de sa conduite et pour chercher à découvrir enfin le sommet lumineux après lequel son âme soupire. Oui ! il est grand temps que l'humanité se ressaisisse ! Que les hommes emploient toutes leurs facultés pour assurer leur existence, ce n'est que juste; mais le chemin dans lequel ils se sont engagés ne les mènera pas au but qu'ils poursuivent : leurs désirs ne seront pas réalisés. Vous dites que nous devons être riches; je suis entièrement de votre avis : la pauvreté n'est pas mon fait. Mais si je peux être riche, je veux l'être excessivement. Et le plus riche, selon moi, est l'homme qui porte en lui la " Vie ", qui porte en lui la Lumière, qui porte en lui la chaleur, la nourriture, le vêtement, Le plus riche est l'être qui porte en lui l'Amour. C'est le plus grand des biens, c'est le trésor suprême : voilà ce que vous enseignez. Et celui qui possède ce trésor pourra très facilement s'assurer tout le reste dans le monde : l'homme qui possède cette riche Vie intérieure est une bénédiction non seulement pour lui-même mais aussi pour ses proches et ses amis.
Ayez donc tous la foi ! Une foi forte et profonde ! Mais de nouveau vous demandez : " Tout cela est-il vrai ?" A mon tour je vous demande : " Ce en quoi vous croyez, est-ce la vérité ? " Pour nous convaincre, il ne nous reste qu'à en faire l'épreuve. Si vous voulez savoir en quoi je crois, moi, je vous dirai : " Venez chez moi ce soir, et pas seulement ce soir, mais chaque fois que vous en sentirez le besoin, toute l'année, si vous voulez. " C'est ainsi que nous trouvons qu'il faut résoudre les questions, et vous devez les résoudre de la même manière. Il faut tout mettre à l'épreuve. L'argent n'arrange pas non plus les choses : je peux vous faire parvenir 2 000 ou 3 000 francs, 25 000 francs même; mais ce n'est pas une juste solution du problème. L'argent suscite les querelles. Je veux vous donner seulement une idée, je peux vous donner seulement un grain de blé; mais ce grain de blé sera pour vous le plus grand des biens si vous savez seulement ce qu'il faut en faire.
Et à ce propos, je vais vous raconter comment Echouah Bentham, un des disciples le plus en renom de la Fraternité de Lumière, subit une de ses épreuves en Egypte où il avait été envoyé à cet effet. C'était au temps du Pharaon Zénobie, alors que les lois du pays étaient extrêmement sévères : chaque criminel était puni de la peine de mort. Echouah Bentham, donc, avait pour tâche de trouver le moyen d'adoucir l'horrible sort et de relever un peu le moral des malheureux condamnés à mort parfois même pour une faute relativement légère. Après avoir rempli sa mission, il devait rentrer à l'Ecole pour y rendre compte de la manière dont il s'en était acquitté. Or il arriva qu'à ce moment la fille du roi fut atteinte d'un mal incurable. Echouah Bentham se rendit au palais et promit au roi de guérir sa fille; mais, en retour, il le pria de lui accorder une faveur : " Je suis prêt à tout, dit le Pharaon, parle sans crainte ! – Ordonne donc que tous les criminels condamnés à mort et à qui, d'après les lois en vigueur dans ton pays, on aura coupé les mains ou les pieds, ou à qui l'on aura enlevé les yeux, soient amenés devant moi dans l'état où ils se trouveront. " II se mit ensuite en devoir de soigner la princesse qui fut bientôt parfaitement rétablie. Et le Pharaon, fidèle à sa promesse, ordonna que tous ceux qui seraient condamnés à mort fussent amenés à Echouah Bentham aussitôt après que la sentence aurait été exécutée. On commença dont à les transporter l'un après l'autre dans la chambre de ce dernier. Comme il connaissait les lois, il les appliqua sur la personne de ces malheureux et parvint à leur reconstituer à l'un, des mains; au second, des pieds; à d'autres, les yeux; et lorsqu'ils furent entièrement guéris et en parfaite santé, il changea aussi les traits de leurs visages et leur rendit la liberté en leur recommandant de ne raconter à personne comment leur guérison s'était opérée. Tous devinrent ses disciples et le suivirent. A ceux qui s'étonnaient de les voir si attachés à leur Maître, ils disaient : " Avez-vous senti votre tête tomber de vos épaules ? – Non ! – Quand cela arrivera, vous comprendrez qui est Echouah Bentham. " A d'autres, ils répondaient : " Avez-vous eu les mains ou les pieds coupés ? – Non ! – Quand on vous les coupera, vous serez à même d'apprécier Echouah Bentham. " Et à ceux qui les questionnaient avec plus d'insistance encore, ils demandaient : " Vous a-t-on ôté les yeux, vous a-t-on enlevé le cœur ? – Non ! – Lorsque vous aurez passé par cette souffrance, vous comprendrez, vous aimerez et vous suivrez aussi Echouah Bentham. "
Ceux qui sont les dépositaires du feu sacré, de ce sublime Amour divin, ceux qui n'ont d'autre but que de servir Dieu, travailleront à remettre en place les pieds, les mains, les yeux, le cœur de l'humanité. Nos pensées, nos sentiments doivent être purs et élevés : notre esprit et notre cœur doivent occuper la place que Dieu leur a assignée. Par conséquent, le doute et la méfiance qui subsistent de nos jours doivent disparaître : nous devons avoir foi l'un dans l'autre. Aucune contradiction ne doit exister entre nos pensées, nos sentiments et nos actes, et nous devons toujours être prêts à tout sacrifier pour Dieu. L'Etre le plus connu, le plus élevé dans le monde, c'est Dieu : Dieu est l'Etre suprême. Tout ce qui nous fait frémir d'enthousiasme devant les beautés de la nature, tout ce qui nous pousse vers ce qui est élevé, noble et généreux, ce qui nous incite à pratiquer toutes les vertus, c'est Dieu, ce qui est divin en nous. Cette voix du silence, douce comme un murmure, qui parle en chacun de nous, c'est Dieu ! Il ne nous parle pas dans un bruit de tonnerre; sa voix est toujours douce et tendre. Quelquefois après avoir commis une faute, il nous semble avoir vaguement entendu ce souffle délicat et pur; et comme nous regrettons alors de ne l'avoir pas écouté; mais en ce cas cette même voix nous dit, encourageante : " Ce n'est rien ! Il y a moyen de réparer le mal. Fais ce que l'on veut de toi. Donne ce qu'on te demande. Cède. Si tu as été coupable et que tu sois fier de le reconnaître, écoute le doux murmure divin et fais ton devoir : reconnais ton erreur. " Et moi, un homme intelligent, si j'aperçois une fourmi sur ma route, je ne l'écraserai pas cruellement sous mon pied : je lui céderai le chemin et je marcherai un peu de côté pour ne pas la déranger. Ce pauvre petit insecte ne se doute même pas que l'être gigantesque qui s'approche pourrait l'anéantir en un rien de temps; mais moi qui le vois vivre, travailler, peiner à sa guise, je serai plein de bienveillance à son égard, je céderai. Et ainsi Dieu, qui nous voit avec tous nos besoins, toutes nos faiblesses, s'est mis à réformer le monde. Le monde changera sans nul doute : il ne peut rester en l'état où il se trouve. Pour que ce changement s'opère, vous devez laisser éclore en vos cœurs le nouvel enseignement, vous devez en savourer toute la douceur, toute l'idéale beauté et l'appliquer ensuite dans votre vie. Essayez aussi de vivre dans une joie continuelle, d'être heureux, et le premier de tous les préceptes – tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur – vous apparaîtra alors dans sa rayonnante clarté.
Vous avez la prétention d'avoir aimé Dieu jusqu'ici. Oui, vous avez aimé, mais quoi ? Des choses, ce qui passe : une glace, une poire. Et un jour vous avez vu la glace fondue, la poire pourrie : il ne vous reste plus rien à aimer. Quand vous aimerez l'Etre suprême, infini, quand vous aimerez Dieu, vous ne connaîtrez plus la douleur des pertes : vous entendrez toujours sa voix, et la joie intime de votre âme sa traduira par le rayonnement particulier de votre visage.
Donc nous devons tous aimer Dieu. Alors seulement la vie aura un sens pour nous; alors Dieu nous apprendra comment il faut aimer, et nous aimerons notre prochain comme nous-même. C'est là le grand art, l'art par excellence, l'art suprême. Pour que nous apprenions à aimer, il faut que Dieu fasse sa demeure en nous; il faut qu'il vive en nous, car nous ne sommes pas l'Amour, Dieu est l'Amour; nous ne sommes pas la Vie, Dieu est la Vie. Il sera Lui-même notre Maître et nous apprendra comment il faut aimer, comment il faut vivre.
Ce que l'on exige maintenant de nous, c'est que nous aimions Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de toutes nos forces, de tout notre esprit. C'est une chose extrêmement simple; c'est l'art le plus facile à acquérir et il est à la portée de chacun de nous.
Vous pensez : " Cela ne presse pas tellement; je peux encore attendre. Je m'informerai un peu à droite et à gauche; je lirai quelque philosophe. " Vous pouvez lire tous les philosophes du monde : ils n'ont pas non plus résolu la question. Elle est d'ailleurs toute résolue; la solution se trouve en ces mots : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. En d'autres termes : tu aimeras tout dans la Nature et tu tâcheras de comprendre que tout ce qui s'y manifeste est plein de sens, a sa raison d'être. Et quand tu sortiras le soir pour contempler l'immense voûte étoilée, ton cœur tressaillira de joie. Ton cœur tressaillira, tout ton être frémira aussi d'admiration devant le magnifique spectacle du soleil levant ou du soleil dans toute sa gloire.
On dit généralement que le soleil est un globe de feu. lorsque je sors chaque jour de grand matin pour saluer le Seigneur Dieu, je le vois prendre le flambeau lumineux et le porter avec Lui en tous lieux. Il part du levant. Voilà comment je vois le soleil. Derrière ce soleil, il y a autre chose : il y a le soleil suprême, le soleil des soleils. Il en est de même de nous. Derrière cette manifestation ordinaire de la vie se cache quelque chose d'infiniment grand, quelque chose de sublime et dont chacun a conscience : ce qui est divin en nous.
Nous croyons en ce Dieu qui est Amour, qui est Vie, qui est Lumière, qui est chaleur, nourriture, eau, vêtement et tout ce qui se trouve en nous. Ce Dieu en qui nous croyons n'exige pas dé notre part un culte extérieur, mais II tient à ce que nous exprimions Son Amour extérieurement. Il veut que Son Amour passe à travers tout notre être comme l'eau passe à travers les différentes couches de terre pour apparaître ensuite claire et pure à la surface.
Il veut que Son Amour puisse s'exprimer par chacun de nous. Si nous permettons à cet Amour de passer par nous, Dieu nous comblera de bénédictions sans fin; nous jouirons d'un crédit illimité et nous porterons tous le titre glorieux de Fils de Dieu.
Quelle suprême félicité que de vivre pour Dieu ! C'est la plus grande des questions qu'il s'agit de résoudre. Il ne tient qu'à chacun de vous de le faire à l'instant. Lorsque vous serez au clair avec vous-même sous ce rapport, vous irez dans le monde et vous commencerez à apprendre. Vous vous trouvez devant une science sublime et profonde. Tout d'abord il vous faudra acquérir l'Amour éternel, la Vie éternelle, il vous faudra connaître Dieu, connaître l'éternelle Vérité dans toute sa plénitude. Alors nous sentirons que nous participons à cette auguste Vie Une. Alors nous nous trouverons véritablement au seuil de cette ère naissante, cette ère où la Fraternité Universelle, l'Amour, la Sagesse et la Vérité régneront sans conteste; une ère dans laquelle des âmes aimantes sentiront qu'elles appartiennent à une immense famille tout à la fois humaine et divine dont la base sera la Vertu; la règle, la Justice; la sauvegarde, la Sagesse; le bonheur, l'Amour; et la raison d'être, la Vérité. Et c'est là cette haute et claire Conscience de la grandiose Unité de Tout.
(Sofia, le 11 octobre 1925)
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